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da Le Monde

Députés du Parti socialiste, nous revendiquons notre droit de retrait »

« Comment porter un projet présidentiel conçu comme l’antithèse d’une action de mandature que nous avons soutenue et dont nous revendiquons les avancées ? »

Par Christophe Caresche et Gilles Savary, députés PS

Benoît Hamon a gagné la primaire de gauche. Son élection est nette, elle est légitime, elle est incontestable. Quel contraste, pourtant, avec 2011 ! Notre famille sortait alors renforcée d’une primaire qui avait fortement mobilisé, unifié la gauche et engendré une dynamique forte autour de notre candidat, créant ainsi les conditions de la victoire à l’élection présidentielle, un an plus tard. Aujourd’hui, le constat est tout autre : des divisions plus profondes que jamais et une césure réelle entre deux sensibilités idéologiquement distantes.

Notre groupe, celui des réformateurs de l’Assemblée nationale et du Sénat, rassemble depuis 2013 des parlementaires socialistes qui ont soutenu loyalement le processus de réforme conduit par le président de la République pour redresser la France, la moderniser,protéger son modèle social et environnemental, tout en développant de nouveaux droits. Il s’inscrit résolument à gauche, dans cetteculture de gouvernement issue du Parti socialiste d’Epinay, créé alors par François Mitterrand.

Un cas de conscience inédit

Nous sommes fiers d’appartenir à la seule majorité gouvernementale d’Europe qui a refusé l’austérité tout en contenant les inégalités, en dépit d’un contexte terrible : la crise grecque, les attentats terroristes ou les conflits au Proche-Orient qui bouleversent l’équilibreinternational. Oui, nous avons porté cette culture de gouvernement à la hauteur des exigences d’une époque chaotique. Car faudrait-ilbalayer d’un revers de manche la hausse du pouvoir d’achat pour les plus fragiles, l’ouverture de nouveaux droits sociaux comme la prime d’activité, le tiers payant médical, la garantie jeunes, le compte personnel d’activité, la modulation des allocations familiales en fonction du revenu, la retraite à 60 ans pour les carrières longues, l’exonération d’impôt sur le revenu pour 12 millions de ménages modestes ?

Lire aussi :   Après la victoire d’Hamon, les défections d’élus socialistes commencent

Socialistes nous sommes, socialistes nous entendons rester. Mais comment le nier : à l’issue de cette primaire qui n’a rien résolu, nous sommes confrontés à un cas de conscience inédit : comment porter un projet présidentiel conçu comme l’antithèse d’une action de mandature que nous avons soutenue et dont nous revendiquons les avancées ?

Comment justifier qu’après avoir défendu une ligne politique visant à consolider la compétitivité de notre économie, à faire entrer de nouveaux droits sociaux dans le réel, à réformer le marché de l’emploi, à maîtriser nos finances publiques et à relancer l’Europe de ladéfense et de la sécurité, nous devrions désormais devenir les porte-parole d’un programme intégrant à la fois un dispositif au coût annuel de 350 milliards d’euros, le reniement, de fait, de nos engagements européens et l’explosion programmée de la pression fiscale et de notre dette ?

En tant que militants, nous ne pouvons nous sentir liés par un « projet de société » fondé sur une logique d’assistance généralisée et de dépréciation de la valeur travail. Nous considérons que ce serait contraire à la culture socialiste qui, historiquement, s’est construite autour de l’amélioration des conditions de travail et du temps du travailleur.

Fausse route

D’ailleurs, poser aujourd’hui la « raréfaction du travail » comme un postulat, c’est faire fausse route : car c’est oublier que si des emplois disparaissent, d’autres vont émerger, grâce aux innovations technologiques ; et c’est passer à côté des termes du vrai défi, celui de la transformation du travail, liée en particulier à la révolution numérique.

Ce non-sens, cette « erreur d’aiguillage », sont à l’image de l’orientation générale d’un projet qui risque, en l’état, de condamner la gauche à une opposition durable, peut-être confortable pour ses représentants, mais stérile pour les femmes et les hommes que nous sommes censés défendre…

Nourris par cinq années de divisions tumultueuses éprouvées au sein du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, nous refusons l’ambiguïté, pire, le reniement. Les Français, nous en sommes certains, veulent tourner la page des divisions récurrentes, las du spectacle d’une famille privée de cohérence, quand l’une de ses composantes théorise l’affaiblissement de son propre camp à des fins politiques.

Benoît Hamon, dans les minutes suivant l’annonce de son investiture, a parlé de « rassemblement ». Que sa traduction aboutisse, quelques phrases plus tard, à tendre la main à Jean-Luc Mélenchon, n’est pas forcément rassurant. Car Benoît, si ton ambition – légitime – est effectivement de créer les conditions d’une unité restaurée, celle-ci devrait d’abord s’adresser à tous ces militants et sympathisants qui ne se retrouvent pas dans ton « offre » actuelle. Le risque est clair si bon nombre d’entre eux estiment, demain, que « leur » socialisme n’est pas incarné par le candidat officiel du Parti socialiste…

Le rassemblement, c’est le respect de tous associé à des actes, ce ne peut être l’obligation, pour chaque socialiste, de se convertir à la « fronde »… Convaincus que le duel Fillon-Le Pen n’est pas inscrit dans les faits, nous restons fidèles à une ligne politique en phase avec les grands enjeux du temps présent.

La gauche, celle qui assume l’exercice du pouvoir, ne gagnera, au printemps 2017, que si elle donne aux Français ce qu’elle leur doit : un espoir, un horizon, des réponses crédibles et des engagements précis. Avec, à la clé, une dynamique puissante, seule à même degarantir à notre pays une majorité solide et unie.

Conscients de la responsabilité écrasante qui pèse aujourd’hui sur les forces progressistes, nous refusons tout à la fois la brutalité d’une droite qui a aiguisé son esprit de revanche au rythme des Manifs pour tous et le naufrage d’une extrême droite qui n’a jamais aimé la France. Mais nous ne pensons pas davantage que l’avenir puisse passer par cette aventure aléatoire à laquelle nous convierait une gauche radicalisée.

C’est pourquoi nous revendiquons haut et fort un droit de retrait de la campagne présidentielle car les conditions de notre soutien à la candidature de Benoît Hamon ne sont pas réunies.

 

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